The French MillenniuM Database
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Entretien avec Erin Maher

Erin Maher et sa partenaire d’écriture, Kay Reindel, ont rédigé des scénarios parmi les plus remarquables et les plus audacieux de "MillenniuM". Citons notamment "Anamnèse" pour lequel elles ont dû braver les foudres de la censure télévisuelle américaine (« Standards and practices ») parce qu’elles mentionnaient le mouvement religieux des premiers chrétiens, le gnosticisme, dont les textes, retrouvés en Egypte en 1945, contredisent certains aspects de la religion orthodoxe.
Fans de Jonathan Carroll, Tim Powers ou encore Philip K. Dick (le gnosticisme constitue d’ailleurs la base du roman Valis écrit par ce dernier), Erin Maher et Kay Reindel ont également rédigé un script pour la troisième saison qui fut malheureusement vidé de toute substance par des producteurs sans vision aucune. Une regrettable expérience qu’Erin ne tient pas à évoquer, mais qui n’a heureusement pas empêché les deux amies de poursuivre leur brillante trajectoire.

Kay Reindel et vous-même travaillez toujours ensemble. Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Kay et moi-même travaillions comme lectrices au département scénario des studios Universal. Ce qui est amusant, c’est que nous nous étions manqué de justesse plusieurs fois auparavant : nous sommes allées en même temps au collège et nous avons toutes deux grandi à Fresno. Pourtant, ce n’est que plus tard, à Los Angeles, que nous nous sommes rencontrées.
Nous nous étions également croisé lors d’un concert. Je me souviens effectivement y avoir vu Kay mais ce n’est pas encore cette fois-ci que nous avons fait connaissance. J’avais aussi lu des scripts écrits par Kay avant de la connaître et lui en avais parlé sans savoir qu’elle en était l’auteur. Je dirais donc que nous étions destinées à nous rencontrer et à travailler ensemble.

Comment avez-vous atterri sur la série MillenniuM, votre premier travail en tant que scénaristes professionnelles ?

Kay avait rencontré Glen Morgan aux « Sci-Fi Universe awards ». Ils avaient une amie en commun qui lui avait recommandé notre travail (merci encore Paula Vitaris). Glen avait alors très gentiment accepté de lire certains de nos scripts. Puis, à l’époque où James Wong et lui-même sélectionnaient les personnes qui allaient intégrer l’équipe de MillenniuM, ils nous a demandé si nous avions un spec à lui faire lire. Nous avons répondu oui et en avons rédigé un en toute hâte pendant le week-end avant de le lui soumettre la semaine suivante.
C’est là que nous avons découvert que nous étions sur la même longueur d’onde en ce qui concerne l’évolution du groupe MillenniuM et du personnage de Frank Black. Ainsi, en dépit de notre manque d’expérience, ils nous ont engagé.

Quelles sont les limites de votre rôle lorsque vous travaillez sur une série ?

Cette année-là (la deuxième saison), nous n’avions quasiment pas de limites. Nous étions aussi impliquées que nous le souhaitions et étions consultées à chaque étape de la production : le casting, les sessions d’enregistrement de la musique, le montage, les discussions avec « standards and Practices »… ainsi que la post-production. Nous nous rendions également sur les lieux de tournage à Vancouver pour préparer la production de nos trois épisodes. Là, nous assistions aux sélections pour le casting, nous participions à la recherche des décors extérieurs et à toutes les réunions de production. Ca a vraiment été une école incroyable. Nous sommes arrivées sur la série en ne sachant presque rien et nous avons fini (au moment du tournage de "Anamnèse") par nous rendre à Vancouver et superviser cet épisode sans la présence de Glen, ni celle de James.
La saison suivante, nous ne jouissions plus, hélas, de la même liberté et ne sommes même pas allées à Vancouver.

Quelles sont les différentes étapes dans le processus d’écriture ?

La première étape est aussi la plus laborieuse puisqu’il s’agit de bâtir l’histoire. Cela prend énormément de temps mais lorsque vous avez tout préparé, que tout est mis à plat sur le bureau et que chaque élément a été examiné plusieurs fois, vous pouvez espérer obtenir une esquisse assez détaillée. Lorsque vous avez franchi cette étape, vous soumettez votre travail au producteur exécutif de la série qui apporte généralement des suggestions. Une fois que celles-ci sont incorporées puis approuvées, vous êtes prêt à écrire. Cette phase (pour nous, en tout cas) est la plus rapide. Ensuite, le script est soumis à une nouvelle phase de notes, et les réécritures commencent.

Combien de temps ce processus dure-t-il ?

Cela dépend. Chaque série fonctionne différemment et chaque producteur a des idées et des exigences spécifiques. Sur Manchester Prep, par exemple, nous nous réunissions tous dans une pièce pour définir le contenu des six premiers épisodes. Puis, chacun partait rédiger le script qui lui avait été confié. Une fois ces épisodes écrits, nous nous retrouvions une nouvelle fois pour définir les histoires suivantes. (C’est ce qui se serait passé en tout cas si la série était entrée en phase de diffusion mais ceci est une autre histoire).

Comment vous viennent vos idées et quels sont vos modèles ?

Kay et moi lisons énormément sur à peu prés tous les sujets. N’importe quel fait, n’importe quel évènement singulier peut aboutir à l’idée d’une histoire. Celle qui trouve une idée la raconte à l’autre. Si nous l’aimons toutes les deux, nous travaillons immédiatement dessus ou bien nous l’archivons pour y revenir plus tard.

Comment vous répartissez-vous le travail ?

Nous élaborons généralement l’histoire ensemble puis nous en écrivons une partie chacune de notre côté. Une fois le premier jet achevé, l’une de nous vérifie qu’il donne bien l’impression d’avoir été écrit par une seule personne, qu’il n’y a pas de changement flagrant dans la tonalité générale, par exemple.

Est-ce que vous faites lire autour de vous quand vous écrivez ?

Non. En général, cela ne sert à rien que des personnes lisent ou commentent quelque chose qui n’en est encore qu’au premier jet.

Vous arrive-t-il de puiser dans votre propre vie pour écrire ?

Parfois. Par exemple, je ne me souviens plus à quel point la peur de Lara Means d’avoir une vision et de devoir rentrer dans les ordres transparaît dans La nuit du siècle, mais c’est tout à fait moi. Ceci est juste un exemple mais je sais que chacune de nous puise parfois dans son expérience personnelle pour rédiger un script.

Vous préférez apparemment écrire des histoires qui privilégient les personnages…

Ce sont les personnages qui m’intéressent. Ce sont les actions des personnages qui conduisent une histoire. Celle-ci peut déboucher sur un nombre infini de possibilités, tout dépend de ce que tel personnage va faire dans telle situation. C’est pour cette raison que Kay et moi aimons travailler pour la télévision. Vous avez (on l’espère du moins) 22 épisodes par saison pour explorer un personnage et le faire évoluer. Nous aimons d’ailleurs plus particulièrement travailler sur des épisodes d’une heure.
L’an dernier, nous avons écrit quatre épisodes d’une série fantastique d’anthologie du type La quatrième dimension, qui s’appelait Night Visions et nous n’avons pas trouvé cela aussi agréable. Vous créez un personnage puis vous l’abandonnez 22 minutes plus tard pour ne plus jamais le revoir.
D’ailleurs, puisqu’on parle de Night Visions, j’aurais préféré, pour votre bien, qu’elle ne soit pas diffusée en France. Ce n’était vraiment pas notre heure de gloire.

En regardant vos épisodes pour MillenniuM, on a l’impression que vous voyez l’écriture comme un art au même titre que la peinture, la musique, la littérature. Qu’en pensez-vous ?

Je le pense, tout à fait. Cependant, à la télévision comme au cinéma, il s’agit d’un art de collaboration. Je ne crois pas à la « théorie de l’auteur », en tout cas pas de la façon dont on interprète cette notion aujourd’hui.
C’est vrai que vous avez une personne qui dirige, qui est responsable et qui rassemble les divers éléments, mais vous ne pouvez pas faire une série sans la contribution majeure de toutes les personnes impliquées.

"Anamnèse" est, à mon avis, votre script le plus riche et on peut d’ailleurs lui prêter plusieurs niveaux de lecture. D’où vient cette complexité ?

A l’époque, nous étions obsédées par la tradition du Saint-Graal. Je lisais en même temps un livre sur les Vierges noires et, en fait, nous ne cessions de tomber sur des choses bizarres qui ont fini par se connecter les unes aux autres.
Au départ, nous voulions écrire sur des filles qui pensaient avoir des visions de la Vierge Maris mais après avoir lu pas mal de choses sur Marie-Madeleine, et nous être plongé dans les Evangiles gnostiques, ces thèmes nous ont paru beaucoup plus intéressants. Nous avons aussi pensé que les visions de la Vierge Marie qui s’avèrent être finalement des visions de Marie-Madeleine, pouvaient constituer un rebondissement intéressant.
Et puis c’était formidable de travailler avec Glen Morgan et James Wong. A chaque fois que nous tombions sur quelque chose d’insolite, ils disaient : « Génial ! Mettez-le. »

Avant d’écrire "Anamnèse", qu’est-ce que le gnosticisme représentait à vos yeux ?

Avant d’entamer nos recherches pour le script, je ne savais pas grand-chose à ce sujet. Ce qui m’a intéressé plus particulièrement après avoir beaucoup lu sur le gnosticisme, c’est la façon dont les femmes ont été écartées de la religion organisée. Ceci transparaît dans une réplique de Lara Means à propos de Marie-Madeleine, « l’apôtre des apôtres », considérée au fil du temps comme une prostituée alors que cette idée ne possède aucune base biblique ni historique.

A la fin de l’épisode, Clare McKenna déclare que sa vie est ruinée à l’image de la Vierge Marie apprenant qu’elle va être la mère de Dieu. Ceci est une vision assez sombre de l’existence. Quelle est la signification de cette réplique ?

Clare sait qu’être Elu signifie qu’elle doit abandonner son droit à une vie normale, à sa vie de tous les jours. Le but était de créer un parallèle avec la situation de Lara et Frank. A ce stade de la série, nous assistons progressivement à la déchéance mentale de Lara. Elle n’est pas assez forte pour supporter les responsabilités qui lui incombent à cause de son don. L’une des raisons d’être de Lara en tant que personnage était de montrer quelqu’un qui soit brisé par ce fardeau alors que Frank au contraire apparaît de plus en plus fort.
A la fin de "Anamnèse" nous ne savons pas ce qui va arriver à Clare. Mais le fait que systématiquement un nouveau membre de la Famille vienne veiller sur elle, est un signe d’espoir.

Le passé est très important dans vos scénarios…

Oui, nous lisons beaucoup d’histoire et de biographies et nous ne cessons de tomber sur des incidents de plus en plus bizarres que nous pouvons exploiter. Pour cette raison nous sommes fans du romancier Tim Powers. Powers est extraordinaire dans sa manière de manipuler des évènements du passé pour les intégrer à une histoire étrange. Par exemple, l’idée que Bugsy Siegel était en fait le Roi Pécheur (voir son livre Poker d’Ames). C’est le genre de choses avec lesquelles nous aimons jouer nous aussi.
Je pense d’ailleurs que la plupart des fans de Millennium s’ils ne lisent pas déjà Tim Powers trouveront matière à réflexion dans ses livres. En plus, ce sont vraiment des romans coup de poing.

Croyez-vous à la chance ou aux coïncidences, aux messagers (comme dans "La Nuit du Siècle") et leurs accordez vous de l’importance ?

Oui. J’ai raconté comment Kay et moi nous sommes rencontrées, et surtout combien de fois nous nous sommes PRESQUE rencontrées. J’ai l’impression que quelqu’un quelque part n’a pas cessé de nous pousser l’une vers l’autre et a eu un soupir de soulagement lorsque nous nous sommes finalement dit « bonjour ».

Les producteurs de la troisième saison ont écarté les éléments qui faisaient la richesse des scripts de l’année précédente. Regrettez vous de n’avoir pu reprendre ces thèmes dans la troisième saison ?

Oui.

Un seul script rédigé par vos soins, "Matriochka", a été porté à l’écran durant la troisième saison. Pourrait-on en savoir un peu plus sur les autres scénarios que vous avez écrit et qui n’ont pas été utilisés ?

Ummm … Non. Il n’y en a eu qu’un et il ne vaut vraiment pas la peine qu’on s’y attarde. Disons simplement qu’il traitait en partie de la chute du jardin d’Eden et s'inspirait de "L'Enfer" de Dante. Les nouveaux producteurs de MillenniuM détestaient cette idée qui a été abandonnée presque aussitôt. Nous exploitions aussi le mythe de Lilith, la première femme d’Adam, injustement évincée parce qu'elle détestait l'idée d'avoir été créée pour le plaisir d'Adam et refusait d'avoir des enfants de lui.

Si vous aviez eu la charge de la production de la série, quelle conclusion y auriez vous apporté ?

C’est une bonne question. Je ne suis pas certaine de ce que nous aurions fait. J’aurais voulu exploiter d’avantage le don de Jordan, que ce soit elle qui découvre les véritables motifs du groupe Millennium.
Nous souhaitions également utiliser la famille et le groupe Odessa, qui étaient des éléments importants l’année précédente, mais notre suggestion a été écartée.

Sur quoi travaillez vous actuellement ?

Nous travaillons sur une nouvelle série fantastique qui s’appelle Haunted, et qui a démarré récemment sur UPN.

(Cette série, qui a duré 11 épisodes, a été annulée fin octobre en raison d'une audience particulièrement faible. Erin et Kay, co-productrices, auront tout juste eu le temps de nous offrir un nouveau chef d'œuvre, à la hauteur de "La Nuit du Siècle" et "Anamnèse" : "Grievous Angels". Leur second script, "Flicker", n'a pas dépassé le stade de la pré-production. Depuis, elles ont rejoint le staff de La Quatrième Dimension version 2002, toujours pour UPN. NDLA)

Propos recueillis par Edouard de Teyssière.

The French MillenniuM Database, 2002